Où l’on suit un mathématicien apprenti archéologue

1886, Lyon. Le professeur Lafon vient d’acheter un domaine sur la colline de Fourvière, mais il a bien du mal à faire pousser ses vignes. Alors qu’il s’intéresse à cette question, on lui parle de « vieux murs romains » qui seraient enfouis dans les environs... Le problème agricole est-il lié à la présence d’un trésor archéologique ?

Il ne lui faut pas longtemps pour vérifier son intuition : si les vignes ne poussent pas, c’est parce que le sol est truffé de pierres. Les restes d’un édifice antique dont il met au jour quelques murs. Hors de question de tout déterrer. Cela demanderait trop de temps et de moyens. En bon mathématicien, Lafon prend donc des mesures pour calculer la taille et la forme de ce bâtiment. Il constate alors que ces vestiges dessinent une courbe.

Mais il ne s’agit pas d’un cercle régulier, ce serait plutôt une ellipse. Autrement dit, la forme d’un amphithéâtre. Le professeur est fébrile : aurait-il retrouvé le fameux amphithéâtre des Trois Gaules ? Les textes antiques décrivent ce monument comme LE lieu incontournable de Lugdunum, la ville de Lyon sous l’Empire romain. C’est là, notamment, que les premiers chrétiens ont subi leur martyre…

Il faut attendre cinquante ans pour que des archéologues se penchent plus sérieusement sur cette question. Et là, c’est le drame : la structure n’est pas elliptique, mais en demi-cercle, la forme traditionnelle d’un théâtre antique. La déception est de courte durée, car il s’agit du plus ancien théâtre en France, un haut lieu culturel de l’Antiquité.

Quant à l’amphithéâtre, on a bien fini par l’identifier avec certitude en 1957. On s’était juste trompé de colline : il ne se trouvait pas sur les pentes de Fourvière, mais sur celles de la Croix-Rousse !

La logique est une manière méthodique de se tromper en toute confiance. Robert Heinlein

Sous la plume d'Artips